• EICKE Theodor : l'organisateur

    EICKE Theodor : l'organisateurUne gueule de brute (pour ne pas dire "la gueule de l'emploi").

    Une personnalité imprégnée de colère, de haine qui le desservit souvent.
    Un esprit d'organisation, cartésien, qui fera de lui un des plus grands criminels de guerre. 

    Theodor EICKE était taillé pour le IIIème Reich et le IIIème Reich était fait pour lui.
    Sans le nazisme, cet homme peu brillant a priori et colérique, aurait au mieux eu une vie terne, au pire aurait-il fini en prison pour menées terroristes.
    Le grand public ignore souvent son nom. Ce qui est très injuste.

     

    Une jeunesse sans avenir

    Theodor Eicke nait en Lorraine (annexée à l'Empire Allemand) en 1892 d'un père allemand protestant patriote et d'une mère francophile et catholique.
    Il suit une scolarité ordinaire et quitte l'école sans même obtenir le Brevet de fin d'études.

    Il n'a pas encore 17 ans quand il s'engage dans le 23e régiment d'infanterie bavarois et se marie en 1914. Même si il reçoit la Croix de Fer, il stagnera au rang d'officier payeur en second. Theodor Eicke racontera plus tard avoir quitté l'armée mais il est plus probable qu'il ait été licencié en raison de la réduction des affectifs.

    Au sortir de la guerre, les perspectives d'avenir du jeune Eicke sont plutôt limitées.
    Il entame des études de technicien supérieur à Ilmenau, ville natale de sa femme, mais son faible niveau scolaire le contraint à abandonner en 1920.
    Il se tourne alors vers le métier de policier.

    De la police à IG Farben

    La carrière policière de Eicke ne sera pas plus brillante que sa carrière militaire mais ce ne sera pas dû uniquement à son niveau scolaire.

    D'abord employé au Bureau des Finances d'Ilmeneau en 1919, il entre dans la police de la ville pour un stage d'aspirant policier.
    Mais dans toutes les polices du monde, les menées politiques pendant les heures de service ne font pas bon ménage. Pris à déchirer des affiches électorales de la gauche pendant qu'il est en service, il est révoqué suite aux plaintes d'élus des partis communiste et socialiste.
    En 1920 il suit les cours de l'école de police de Cottbus puis est affecté dans la Schutzpolizei de la ville de Weimar. Un comble pour celui qui déteste la République de Weimar ! Finalement lors de sa dernière affectation à Ludwhigshafen, ville sous occupation française, il renonce à sa carrière de policier, renforcé dans sa haine de l'occupant et des communistes.

    Probablement grâce à un de ses frères il est engagé chez BASF comme employé de bureau. Deux ans plus tard, au moment de la formation du groupe IG Farben qui fusionne BASF, BAYER et  Hoechst, il devient l'adjoint du chef de la sécurité.
    Ce sera une période agitée pour le groupe avec la catastrophe d'Oppau, l'occupation de l'usine par les Français, et les mouvements ouvriers suite à la crise économique que traverse l'Allemagne à cause de l'hyperinflation. 
    Le rôle et l'action de Theodor Eicke restent mal déterminés pendant cette période mais on sait qu'il a appartenu à un cercle des "officiers de BASF", anciens combattants en charge de la sécurité anti gauchistes et nationalistes.

    Le triomphe de la brutalité

    Fin 1928 Eicke prend la décision qui marquera le tournant de sa vie : il adhère au NSDAP et intègre la SA.
    Rappelons qu'à cette époque il est toujours chez IG Farben, en zone d'occupation française. Sa démarche semble donc bien plus idéologique qu'opportuniste. Il organisera plusieurs réunions du parti au sein d'IG Farben, avec la complicité tacite de cadres de l'entreprise.

    EICKE Theodor : l'organisateurBien qu'il ait dépassé l'âge limite pour entrer dans la SS, en raison de son activisme et des "qualités" dont il a fait montre, il reçoit l'ordre d'intégrer la SS, ce qu'il fait en août 1930.
    A cette époque où la SA est encore toute puissante, la SS du Palatinat est mal organisée et les luttes intestines tant au sein de la SS qu'avec les SA l'affaiblissent. Fidèle à lui-même, Eicke est souvent critique envers ses supérieurs.
    Il crée des sections locales à Ludvigshafen et se fait remarquer par ses talents de recruteur. Grâce à lui les effectifs de la SS locale vont nettement augmenté. Il est promu Sturmbannfuhrer. Il organise des opérations coup-de-poing (à tous les sens du terme) et il n'hésite pas à s'opposer ouvertement à sa hiérarchie. Alors que le NSDAP est en plein dans la conquête du pouvoir par les voies légales et qu'interdiction fut faite aux organisations paramilitaires de défiler en uniforme (les SA défileront torse nu et assistent à des cérémonies en chemise blanche, Eicke fait défiler ses troupes en uniforme. Forte tête mais fidèle à ses convictions, il ne prendra ses ordres qu'auprès du QG nazi de Munich et non auprès du Gauleiter qu'il juge trop mou et surtout, horreur ! trop socialiste.

    Terrorisme, fuite, internement et disgrâce

    Fin août 1931 Theodor Eicke va se trouver mêlé à une sombre histoire terroriste dont l'instigateur serait le Gauleiter Bürckel lui-même, qu'Eicke apprécie peu. Mais l'ordre venant de Fritz Berni, son supérieur de la SS, Eicke fabrique des explosifs d'autant qu'il a tout sur place grâce à son travail chez IG Farben !
    Le projet de Fritz Berni de déposer une partie des explosifs à Pirmasens, près de la frontière franco-allemande, tombe à l'eau car il est dénoncé par certains "camarades" ; il sera provisoirement exclu du Parti et de la SS, le Parti restant dans sa ligne de conquête légale du pouvoir. Eicke va tirer parti de cette exclusion et fin novembre 1931, Himmler le nomme Standartenführer. Eicke prend la tête des 900 hommes qui composent la 10e SS-Standarte.
    Mais l'histoire devient publique et une perquisition chez Eicke le 6 mars 1932 permet à la police de mettre la main sur des explosifs et sur une liste de participants. Il est viré d'IG Farben et jugé en juillet. Il prendra tout sur ses épaules et est condamné à deux ans de prison. En simulant une maladie nerveuse mais aussi grâce au ministre de la Justice bavarois, il évite la prison.
    Himmler le fait exfiltrer vers l'Italie avec de faux papiers, afin de prendre le commandement d'un camp de SS allemands et autrichiens fugitifs. C'est peu dire qu'il l'a mauvaise ! Même si il reste en contact avec l'Allemagne et suit les activités du NSDAP et de son "ami" Bürckel (Gauleiter du Palatinat), il leur envoie des courriers rageurs, précisant à ces "porcs" qu'il a encore des explosifs cachés "qui ne sont pas que pour les rouges !". A bon entendeur...
    Eicke rentre en Allemagne moins de deux mois après la nomination d'Hitler à la Chancellerie et il pense être gracié pour l'affaire de Pirmasens et retrouver son commandement dans le Palatinat. Mais son "ami" Brückel le fait arrêter le 21 mars, quatre jours après que le frère de Eicke ait perpétré un attentat contre des dirigeants du Parti à Ludwigshafen, et placer en "détention de sûreté". Sur avis médical, Eicke est interné en asile psychiatrique le 27, pour observation.
    Il y restera 73 jours malgré les attestations médicales et les courriers qu'il envoie à Göring et à Himmler.

    Himmler, double-jeu ?

    Alors qu'Eicke semblait dans les "petits papiers" du chef de la SS, certains historiens dont Niels Weise, se demandent à quoi jouait Himmler.
    Il ne fait aucun doute qu'Himmler aurait pu intervenir à tout moment, soit pour contrer Brückel soit pour sortir Eicke de son hôpital psychiatrique. Mais il est fort probable qu'Himmler, en bon manipulateur, ait poursuivi deux buts : faire comprendre une bonne fois pour toutes à Eicke qui était le chef et le rendre redevable à jamais. Un autre travers d'Himmler, peu connu et qu'on a du mal à soupçonner, est qu'il pense que chacun peut être réhabilité surtout si il s'agit d'un combattant de la première heure. Le syndrome du berger et des brebis égarées, en somme. 
    Toujours est-il que les calculs d'Himmler vont servir sa stratégie.

    Dachau, le tremplin de "Papa Eicke"

    Tandis que Theodor Eicke moisit encore dans son hôpital psychiatrique, pendant ce temps, à Dachau...
    Lors de son ouverture le 20 mars 1933, le camp de Dachau est placé sous l'autorité de la police bavaroise et la garde en est confiée aux SA qui s'y conduisent en brutes mais sans règles bien définies. Le 19 avril le camp passe sous l'autorité des SS et son premier commandant est Hilmar Wäckerle. A ce moment précis, les camps n'ont aucun statut juridique précis et sont encore aux mains des SA. Ce n'est pas satisfaisant pour Himmler.
    Il demande à Wäckerle de mettre en place un système de brimades, de punitions et de "traitements dérogatoires" qui instaureront un état "d'exception" par rapport aux camps de rétention ou de détention préventive. Il veut un camp entièrement soumis à la SS.
    Wäckerle obéit mais, toujours en l'absence de statut juridique précis, la justice s'émeut du décès brutal de sept prisonniers et le 2 juin, suite à une rencontre avec Hans Frank, le ministre de la Justice, Himmler démet Wäckerle de ses fonctions.
    Le même jour il fait libérer Théodore Eicke.

    Le 26 juin Eicke devient le nouveau commandant de Dachau et il est réintégré à son grade dans la SS. Sa condamnation est annulée.

    Eicke fait un discours à des détenus libérés

    Nous reviendrons plus en détail sur le fonctionnement de Dachau et son commandant mais d'ores et déjà on peut dire que Eicke va en faire LE camp modèle tant dans le traitement des détenus qui seront soumis à un traitement brutal que dans la formation des gardiens SS, soumis à un vrai dressage à la cruauté et la discipline la plus rude. Avec celui que les gardiens appellent affectueusement "papa Eicke", on n'est plus dans la brutalité aveugle et irraisonnée des SA mais dans un vrai système qui consiste à broyer l'individu. Les SS quant à eux sont formés pour devenir d'impitoyables machines à broyer les individus avec une rudesse qu'ils acceptent car Eicke se pose comme une figure paternelle, près à écouter et aider ses hommes.

    Dachau sera l'école où se formeront de nombreux futurs commandants de camps tels Hans Aumeier (Auschwite I), Rudolph Höss (Auschwitz), Karl Kunstler (Flossenbürg)...

    Avec la construction de Sachsenhausen, où il contribuera à l'élaboration des plans, Theodor Eicke poussera encore plus loin la "perfection" du système concentrationnaire.
    Himmler a trouvé l'homme idéal qui l'aidera à assoir son projet.
    Il le nomme SS-Brigadeführer le 30 janvier 1934.

    L'assassin et la mort

    EICKE Theodor : l'organisateurHimmler a une telle confiance en lui qu'il confie à Eicke un rôle majeur lors de la Nuit des Longs Couteaux qui verra la purge de la SA du 29 juin au 2 juillet 34.
    Dès la mi-juin, informé de cette purge, Eicke mobilise ses SS. Le 30 juin à Bad Wiessee, le commandant de la garde du camp Michael Liepert avec quelques uns de ses hommes et ceux de Sepp Dietrich commandant de la Leibstandarte SS-Adolf Hitler (qui n'est pas encore la fameuse Panzer Division) procèdent à l'arrestation des principaux chefs de la SA.
    Dans son camp de Dachau, Theodor Eicke réunit les SS et devant eux, déchire un portrait de Röhm. Ironie suprême ou pied de nez de l'histoire, les SA qui autrefois étaient à la tête des camps deviennent prisonniers à Dachau. Pendant ces évènements, Dachau devient le théâtre d'exécutions publiques et, tel un César, Eicke scelle le sort des uns et des autres d'un simple geste du pouce.
    Le 1er juillet c'est Hitler lui-même qui appelle Eicke et lui ordonne de se rendre à Munich afin de proposer une sortie "honorable" à son ancien ami et compagnon Röhm. Liepert le rejoint à la prison de Stadelheim. Ernst Röhm refuse "Qu'il (Hitler) vienne me tuer lui-même !". Les deux hommes laisse une arme chargée d'une balle et quittent la pièce mais après quelques minutes de silence et trouvent Röhm qui les attend, torse nu. Les deux hommes l'exécutent froidement.
    De retour à Dachau les exécutions reprennent devant les 2000 détenus que compte alors Dachau.

    Organisation du futur système concentrationnaire

    EICKE et Himmler sur le Front de l'EstPour Theodor Eicke c'est la consécration : Himmler le nomme Inspecteur des Camps de concentration et Commandant des Totenkopfverbände, Hitler l'élève au deuxième rang de la hiérarchie SS (à cette époque) en le hissant au grade de SS-Gruppenführer. Le rat" devient un des hommes les plus puissants d'Allemagne.

    Désormais presque plus rien ne s'oppose à la création de l'empire SS dont rêve Himmler et que le fanatique  Eicke mettra en place de 1935 à 1939 en prenant en compte les impératifs de la guerre qui va s'abattre sur l'Europe.
    Le dernier verrou saute le 1er avril 1936 quand Hitler signe le décret qui exclut les Länder (régions) du financement des camps qui désormais ne dépendront plus que du Reich. Désormais Eicke ne dépend plus que du SS-Hauptamt et de Heinrich Himmler. Celui-ci donnera tous les moyens pour mettre sa politique de "prévention générale de santé de la société" et Hitler a désormais un système de répression entièrement dévoué et totalement à sa botte.

    Création de la division SS-Totenkopf

    Bien que le propos de ce blog soit le système concentrationnaire, on ne peut passer à côté de cette partie de la vie de Theodor Eicke.

    EICKE Theodor : l'organisateurInitialement, les gardes SS de Dachau, encore sous le commandement de Wäckerle, étaient surnommés par la population qui les craignait "Totenkopf" en raison de l'écusson noir à tête de mort blanche qu'ils arborent sur leur casquette. Ils garderont cette appellation mais restent rattachés à la Allgemeine SS (SS Générale).
    Theodor Eicke a de grands desseins (largement approuvés par Himmler) pour ces hommes dont il est devenu le Commandant en 1934.
    Déjà formés à la cruauté et à leur total manque de pitié dans le monde des camps, Eicke veut faire d'eux un corps combattant indépendant de l'Allgemeine et de la Waffen SS. 
    Le paradoxal Eicke rejette tout pouvoir militaire mais il se considère comme un "soldat politique"  entièrement au service d'Hitler et d'Himmler. Sous son impulsion, la Totenkopf deviendra le bras armé du Reich, formé de jeunes souvent issus de la Hitlerjugend, fanatiques, inaccessibles à la pitié et elle sèmera la peur et la terreur de la France au front de l'Est où elle se livrera à des assassinats de masse.
    En France La Totenkopf se livrera à deux nombreux crimes de guerre, y compris contre des civils, appliquant les enseignements de Eicke.
    Eicke conservera son poste de Commandant des Camps de concentration (et tous les avantages) jusqu'à ce que Himmler lui interdise l'accès aux ressources de l'inspection des camps de concentration à partir de mai 41.
    EICKE Theodor : l'organisateurMalgré les controverses qui l'entourent au sein du parti, concernant entre autres les pertes humaines énormes au sein de son armée, Eicke sera nommé SS-Obergruppenführer le 20 avril, jour de l'anniversaire du Führer.

    Theodor Eicke sera abattu par l'Armée Rouge le 26 février 1943 au dessus de l'Ukraine, alors qu'il effectuait un survol de reconnaissance dans le cadre de la troisième Bataille de Kharkov.

    Si la propagande nazie véhicule l'image d'un héros et donne son nom à une division de la Totenkopf, la réputation de Eicke, pour qui la vie humaine n'avait pas d'importance, dans les milieux militaires est nettement moins haute.

    L'histoire retiendra l'image d'un homme cruel, fanatique à l'extrême et de ses crimes contre l'Humanité.

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