• Pouvait-on prévoir ?

    Pouvait-on prévoir ?Au sortir de la guerre, lors de la découverte des camps par les Alliés, les nations semblèrent découvrir le vrai visage du nazisme et toute l'horreur de sa politique raciale.

    Le leitmotiv, repris par la population allemande et européenne, "On ne savait pas" résiste mal sous l'éclairage des faits (j'aurai l'occasion d'y revenir).
    Que le cultivateur du fin fond de l'Ohio, venu s'échouer sur les plages de Normandie l'ignorât est hautement probable et on ne saurait lui en vouloir. Mais quid des gouvernements alliés ?

    L'ébauche d'un programme

    Après l'échec du putsch de Munich, Adolf Hitler est emprisonné dans la prison du Landsberg du 11 novembre 1923 au 20 décembre 1924.
    Loin de se remettre en cause (ça ne fait pas partie de sa personnalité) il accuse ses compagnons de l'avoir trahi et il n'a qu'un objectif : prendre sa revanche et se poser comme seule véritable alternative nationaliste face à l'honnie République de Weimar.

    Mein KampfMais pour cela, il est conscient qu'il lui faut un programme qui pourra diffuser ses idées dans l'opinion allemande. Il s'attelle à la rédaction de ce qu'il considère comme son manifeste : Mein Kampf.
    Ce pavé indigeste en deux volumes connait un succès modeste à sa sortie (36 000 exemplaires les deux volumes confondus). Dès 1930, tandis qu'Hitler monte dans l'opinion allemande, les ventes augmentent pour atteindre 900 000 exemplaires en 1933 quand il devient Chancelier du Reich et jusqu'en 1935 il s'en vendra 1,5 million d'exemplaires.

    Si Adolf Hitler n'évoque à aucun moment l'extermination de populations par les gaz, ce salmigondis idéologique a cependant tout pour alerter les gouvernements et les opinions publiques !
    Les théories expansionnistes (le fameux Lebensraum ou espace vital) qui y sont développées laissent peu de doute quant au sort des populations qui occupent les territoires qu'Hitler veut intégrer à son futur Reich millénaire : à titre d'exemple la France et l'Ukraine, où les terres agricoles seraient attribuées à l'issue du conflit aux soldats allemands qui auraient sur place une main d'œuvre docile et quasi gratuite. Des esclaves en somme.

    Parallèlement Hitler y développe sa haine, son racisme et un antisémitisme violents qu'aucun lecteur ne peut ignorer. 
    A en croire l'historien William Schirer, des journalistes étrangers et des diplomates présents en Allemagne auraient alerté la presse et les politiques sur le danger que représenterait l'accession au pouvoir d'Adolf Hitler. En vain.

    1933 / 1939 vers le racisme d'état

    Ce ne sont pas les discours du nouveau Chancelier du Reich qui devraient rassurer les puissances européennes ! Si dans Mein Kampf Hitler évoque déjà une Allemagne forte et pure, il enfonce le clou dans différents discours et allocutions où la lecture entre les lignes annoncent une politique hégémonique et raciale dure. 

    Dans cet extrait du discours prononcé en 1933 à Nuremberg, il n'est fait pas fait clairement allusion à ce qui suivra mais pour les abonnés au Völkischer Beobachter (L'Observateur Populaire), journal du NSDAP et pour les lecteurs de "Mein Kampf", il est clair que le Führer va débarrasser l'Allemagne de ce qui l'empêche de devenir un grand Reich : les socialistes, les communistes, les intellectuels, les syndicalistes, les "bouches inutiles", les sous-hommes et les juifs. 
    Le 23 mars 1933 l'Acte d'habilitation voté par le Reichstag donne les pleins pouvoirs à Hitler qui peut enfin s'attaquer à la démocratie.

     

     

    Les libertés fondamentales sont abolies, les partis politiques (y compris de droite) dissous et les premiers camps "d'internement" pour les opposants du Reich apparaissent.
    Tout va très vite puisque dès avril 1933 les juifs se voient exclus de la fonction publiques, des professions libérales, de l'enseignement et de la Culture. Leurs commerces sont boycottés.
    A la mort du président von Hindenburg, Adolf Hitler se proclame Fûhrer, cumulant tous les pouvoirs. Il fait ratifier ce coup d'état par plébiscite et 90 % des Allemands approuvent.

    Les Lois de Nuremberg furent promulguées en 1935 : loi sur la Citoyenneté du Reich et Loi sur la protection du sang allemand et de l'honneur allemand
    C'est la première fois dans l'Histoire que les juifs sont considérés comme une race à part et non plus comme membres de la population de religion juive.

    Tous les éléments étaient déjà réunis pour alerter le monde démocratique de ce qui risquait de se mettre en place dans cette nouvelle Allemagne.

    Mais en 1936 "le monde" a préféré applaudir aux Jeux Olympiques de Munich en s'extasiant du formidable essor économique qui sortait l'Allemagne de la crise de 1929.
    "Le monde" a préféré ne pas entendre le fracas de la Nuit de Cristal en 1938.
    Feignant d'ignorer la situation, Chamberlain et Daladier vinrent signer les accords de Munich pour éviter un nouveau conflit avec l'Allemagne alors que tout indiquait que le nouveau maître de l'Allemagne ne cherchait qu'à gagner du temps.
    La situation des opposants et des juifs était secondaire face aux enjeux économiques après les chocs de la Première Guerre Mondiale et du krach de 1929.

    1939 le discours du Reichstag

    Le discours prononcé par Hitler le 30 janvier 1939 (anniversaire de son arrivée au pouvoir) est édifiant.

    Clairement il joue sur la peur des signataires du Traité de Versailles de voir exploser une nouveau conflit, ce qu'ils redoutent le plus. La menace est claire mais Hitler désigne le responsable tout trouvé à la rupture de la paix : le judéo-bolchevisme.

    Par rapport aux précédents discours, il y a une différence notable, une différence que la presse et les gouvernements de l'époque ont préféré ignorer pour n'entendre que les protestations de bonne volonté du Fûhrer : pour la première fois, Adolf Hitler évoque clairement l'extermination des juifs.

    "En ce jour mémorable, peut-être pas seulement pour nous Allemands, il y a une chose que je
    voudrais dire : dans ma vie j’ai été très souvent prophète et le plus souvent on a ri de moi.
    À l’époque de mon combat pour le pouvoir, c’était au premier chef le peuple juif qui accueillait
    mes prophéties par le rire. Je prophétisais qu’un jour je prendrais en Allemagne la direction de
    l’État et par cela celle du peuple entier et qu’alors, parmi beaucoup d’autres problèmes, je
    résoudrais le problème juif. Je crois que ce rire sonore d’alors du judaïsme (Judentum) en
    Allemagne s’est entre-temps étouffé dans la gorge.
    Je veux aujourd’hui de nouveau être un prophète : si le judaïsme financier international en et
    hors d’Europe devait réussir à pousser les peuples une fois encore dans une guerre mondiale,
    alors le résultat ne sera pas la bolchévisation de la Terre et par là la victoire du judaïsme, mais
    l’anéantissement de la race juive en Europe."

    Les signataires de Versailles ne veulent retenir qu'une phrase, qui apaise leurs craintes : 
    "L’Allemagne veut vivre en paix et en amitié avec tous les pays, y compris avec les États-Unis".

    Et pourtant une phrase va passer inaperçue, une simple phrase qui en dit long sur le mépris dans lequel les tient leur futur ennemi, une phrase qui d'une part scelle d'ores et déjà le sort de la paix (on ne peut respecter la parole donnée à des lâches) mais aussi celui des millions de personnes qui franchiront le portail des camps nazis. 

    "C’est un spectacle odieux lorsque le monde des démocraties bave de compassion, sans toutefois prêter en quoi que ce soit assistance aux Juifs."

    Le prix de la lâcheté politique ?

    Déjà en 1936 quand Hitler prend la décision de remilitariser la Rhénanie en complète violation du Traité de Versailles et malgré les mise en garde de son état-major, il reconnait qu'en cas de réaction de la France, c'en sera fait de ses projets d'extension du Reich. Mais il mise tout sur la lâcheté de la France et de l'Angleterre et gagne ce coup de poker alors que l'Allemagne est encore militairement faible.

    Sous cet éclairage, cette fameuse phrase s'avère d'une cruauté absolue car non seulement on pouvait prévoir mais pire encore, on savait sans vouloir rien faire.

    Au prix de millions de vie à travers toutes l'Europe.
    .

    « Carte des camps nazis Historique des camps »
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  • Commentaires

    1
    Dimanche 16 Mai 2021 à 09:19

    Hitler disait "pour nous Allemands" mais il n’était pas Allemand, il était Autrichien! lol
    Tout le monde savait et les Américains ont annulé l'assassinat d'Hitler car ils estimaient qu'il était le meilleur atout pour contrer le communisme de Staline. Toutes les guerres sont économiques, mais pour son cas c’était plutôt politique.
    Bon dimanche!

      • Dimanche 16 Mai 2021 à 10:04

        Bonjour DrCut

        Un, voire "des" articles, lui seront consacrés car c'est vraiment un cas d'école !
        La raison pour laquelle il a "atterri" en Allemagne est en soi "savoureuse".

    2
    Dimanche 16 Mai 2021 à 10:33

    Bonjour Foxy,

    Oui, il ne possédait qu'une seule couille et c'est peut-être pour ça qu'il aimait crier autant! lol
    J'ai hâte de lire ces futurs articles!
    Bonne journée!

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