• Dachaulied "Arbeit macht frei"

    Dachaulied "Arbeit maxht frei"1938. 
    Le camp de Dachau s'est agrandi qui, outre les ennemis politiques, accueille désormais ceux que les lois de Nuremberg désignent comme ennemis du Reich.

    En cette année 1938 arrivent les premiers Autrichiens qui paient le prix de l'Anschluß avec la participation active des nazis autrichiens : opposants politiques, intellectuels, artistes et juifs.

    Parmi eux, deux hommes se retrouvent, Herbert Zipper, chef d'orchestre et compositeur, et Jura Soyfer, écrivain, poète et librettiste pour des cabarets viennois.
    Si l'Histoire a quelque peu oublié le nom de ces deux artistes, les déportés ont gardé en mémoire le chant de Dachau qui essaimera dans d'autres camps : das Dachaulied.

    A l'instar d'autres camps, Dachau a son orchestre dont l'histoire1 est suffisamment atypique pour être narrée.

    L'orchestre de Dachau

    En mai 1938 les chef d'orchestre viennois Herbert Zipper arrive au camp de Dachau où il retrouve d'autres musiciens de sa connaissance dont des musiciens de l'Orchestre Philarmonique de Berlin, écartés parce que juifs.
    Zipper découvre les conditions déjà déplorables des déportés, lui-même étant initialement affecté au transport de pierres à la carrière. Avec la complicité des autres musiciens, il décide de résister grâce à leur art : ils vont créer un orchestre clandestin qui donnera des concerts pour soutenir le moral des internés.
    Le hic c'est qu'il leur faut des instruments de musique et dans un camp de concentration, ça ne se trouver pas sous les roues d'une charrette ! 
    Chacun organise qui des bouts de bois, qui des chutes de métal. Mais pour les instruments à cordes, il leur manque les cordes. Zipper se paie le culot de demander l'aide d'un gardien SS, apparemment un peu moins cruel que ses coreligionnaires. Fait incroyable, ça marche ! Ce gardien était-il simplement mélomane ou avait-il conservé une part d'humanité ? L'histoire ne le dit pas, c'est probablement un peu des deux. Toujours est-il qu'un soir en rentrant du Kommando, Herbert Zipper trouvera le précieux fil sous son oreiller.
    Finalement, les musiciens arrivent à fabriquer 11 instruments de fortune. A cette époque la pause dominicale est encore respectée et l'orchestre jouera pour les prisonniers les dimanches après-midi dans des latrines inutilisées. Jusqu'à son transfert pour Buchenwald Herbert Zipper dirigera cette formation, quant à l'orchestre, il perdurera jusqu'à la libération du camp.
    Miracle ! Il ne sera jamais découvert par les SS et continuera ses représentations dans la clandestinité alors qu'il comptera jusqu'à 65 musiciens !

    Naissance du Dachaulied

    A Dachau Herbert Zipper retrouve un écrivain qu'il avait rencontré à Vienne au début des années 30, Jura Soyfer. Leur captivité les rapproche encore plus.
    Herbert Zipper raconte la genèse de cette chanson2 :

    "En août 1938, dans le camp de concentration de Dachau : Jura Soyfer et moi avons dû passer une semaine entière à charger un camion avec des sacs de ciment qui étaient empilés à l'extérieur du camp. Puis nous avons dû tirer ce camion dans le camp et le décharger à nouveau. Nous avons donc franchi la porte d'entrée du camp jusqu'à trente fois par jour. Un jour - je crois que c'était le troisième ou le quatrième jour - j'ai dit à Jura, qui tirait sur le même poteau que moi : "Tu sais, cette inscription au-dessus de la porte "Le travail rend libre" c'est vraiment se moquer de nous ! Nous devons vraiment faire un chant de résistance, donner du courage à nos compagnons de détention'. Et Jura répondit : "Oui, j'ai même commencé à y travailler."

    Partition manuscrite"C'est environ trois jours plus tard - nous devions alors travailler dans une gravière où nous avions de l'eau jusqu'au ventre - que Jura est venu me dire qu'il avait déjà terminé et m'a récité le texte, car bien sûr, on ne pouvait pas l'écrire. Si on avait trouvé un tel texte, cela aurait été une cause de mort ou l'on aurait été traité de manière vraiment très, très désagréable. Et donc j'ai appris le texte par cœur."
    Jura Soyfer a récité le texte deux ou trois fois à son codétenu, et ce dernier a commencé à mettre le texte en musique. Zipper avait l'habitude de composer dans sa tête. C'était un avantage dans le camp de concentration, car il n'avait pas besoin d'écrire quoi que ce soit - ce qu'il n'aurait pas osé faire.
    La chanson de Dachau est un chant de marche dans lequel les prisonniers s'encouragent. "Il fallait que les trois premières strophes se contentent de décrire l'environnement, les faits, les sentiments, sans vraiment énumérer les tortures - être battu ou pendu. Aucun de nous ne voulait ça.
    Non, en fait, c'est beaucoup plus fort dans toutes les œuvres d'art, lorsqu'il s'agit de la bestialité humaine, non pas pour montrer la violence elle-même, mais pour la laisser surgir dans l'imagination de l'auditeur, car l'imagination est toujours plus forte que la réalité. C'est ce dont on parlait, même si c'était censé être une chanson de combat. Dès la première ligne, "Du fil barbelé chargé de mort", on ressent déjà la situation. Ou "Devant la gueule des fusils, nous vivons jour et nuit". Ce sont des indices qui décrivent vraiment l'atmosphère, mais pas la violence elle-même. Nous demandons seulement de 'soulever la pierre et de tirer la charrette', ce que nous avons réellement fait, mais nous ne mentionnons pas les atrocités."
    Herbert Zipper se rappelle également comment deux guitaristes et un violoniste ont appris la chanson dans le camp de concentration, et comment elle a été diffusée. "Je me souviens l'avoir emporté avec moi pendant quelques jours, en réfléchissant à ce que je devais faire, puis je me suis souvenu d'un très bon violoniste qui était le Kapo, qui a immédiatement accepté d'apprendre la chanson. Yura connaissait l'un des guitaristes, et je travaillais avec l'autre. Un soir, je l'ai répété avec le violoniste. Nous avions environ une heure et demie avant que la sirène ne retentisse. Vous ne pouviez pas vous lever après ça, ou vous étiez abattu sur place. Je lui ai donc appris la chanson, et le jour suivant, nous l'avons répétée, et tous les trois la chantaient..."

    En 1939 une épidémie de typhus décime le camp. Affecté au Kommando qui s'occupe des malades, Herbert Zipper verra mourir son ami Jura au mois de février. Il n'avait que 26 ans.

    Jura Soyfer

    Plus tard, après que les armes se soient tues, herbert Zipper dira : "J'ai réalisé à Dachau que les arts en général n'ont pas seulement le pouvoir de vous maintenir en vie, mais aussi celui de donner un sens à votre vie, même dans les circonstances les plus atroces."

    Paroles et traduction 


    (NDLA Insert d'images d'autres camps que Dachau)


    (1) New-York Times 23 février 1997
    (2) Süddeutsche Zeitung 4 janvier 1989

     

     

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