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Au nom de tous les miens-Martin Gray
Quel scénariste aurait pu imaginer une telle histoire sans se voir accuser d'exagération ?
Car peut-on inventer une vie pareille ?
Et un homme peut-il avoir connu une telle existence ?
La question reste posée encore aujourd'hui à propos de ce livre de Martin Gray, écrit en collaboration avec Max Gallo.Alors ? Autobiographie ? Biographie romancée ou pur roman ?
Apparemment beaucoup en débattent encore mais Au nom de tous les miens reste un livre fort et marquant.Paru en 1971, ce fut un best seller, traduit en 26 langues. Il a fait l'objet d'un film éponyme signé Robert Enrico (1983) avec Michael York, Brigitte Fossey et Macha Méryl, ainsi que d'une série'
La vie du jeune Mietek Grajewski (le vrai nom de Martin Gray) commence le 27 avril 1922 à Varsovie. Il vit une jeunesse tranquille au sein d'une famille aimante où le père, gantier fait vivre sa famille tandis que la mère s'occupe des enfants.
En septembre 1939 les Allemands envahissent la Pologne et les premières persécutions commencent. La famille Grajewski tente de s'adapter à ces nouvelles conditions qui se durcissent de jour en jour jusqu'au jour où ordre est donné aux non-juifs de quitter le quartier et qu'un mur enferme 981 000 juifs sur 300 hectares.Le père de Mietek fait partie du Judenrat (Conseil juif) mais les conditions se dégradent car de nouveaux juifs arrivent et bientôt la faim fait son apparition.
La vie aventureuse du jeune Martin Gray commence alors.Il corrompt des soldats nazis, des gardes polonais et des membres de la police juive du ghetto et franchit les murs plusieurs fois par jour pour ramener de la nourriture dans le ghetto. Il connait alors la peur de la capture, l'évasion, la peur des rafles dont il sauvera son père, la peur de la déportation dont il ne pourra sauver ni sa mère, ni ses deux frères. Alors il se fait arrêter pour les suivre à Treblinka. Sa bonne condition physique le sauve du gazage, et il voit sa famille disparaître vers les chambres à gaz, sans comprendre qu'il les voit pour la dernière fois.
Martin Gray raconte. Il raconte ce deuil qu'il n'a pas le droit de vivre. Il raconte le travail au Sonderkommando, abrutissant, déshumanisant. La colère. La rage de vivre qui le fera s'évader.
"C'est vrai, je suis devenu égoïste, c'est vrai je peux voir un mourant et passer près de lui sans m'arrêter. Parce que j'ai compris que pour le venger il me faut vivre, à tout prix. Et pour vivre, il faut que j'apprenne à ne pas m'arrêter, que je sache le regarder mourir.
Mon égoïsme c'est ce qu'ils m'ont laissé comme arme, je m'en suis saisi, contre eux. Au nom de tous les miens."
Il raconte l'insurrection du ghetto, la mort de son père puis son engagement chez les partisans puis l'Armée Rouge. Les mêmes horreurs, mais dans l'autre camp.
Il se reconstruit, rencontre l'amour et connait à son tour le bonheur de fonder une famille, symbole de la vie qui continue, avec Dina son grand amour.
Jusqu'à ce que par une belle journée d'été en Provence, un incendie réduise son bonheur en cendres, tuant Dina et leurs enfants. Comme une horrible répétition de l'histoire."Qui me rendra leur vie ? Qui me rendra la vie ? Je ne me suis pas tué, je parle, je mange, j’agis. J’ai traversé le temps où l’envie de mourir était ma seule amie. J’ai traversé le temps où la seule question était « Pourquoi, pourquoi moi ? Pourquoi deux fois les miens, n’avais-je pas assez payé mon tribut aux hommes, au destin ? Pourquoi ?"
Dès les premières pages, on est happé par ce livre intense et dramatique.
Les faits sont exposés dans leur cruauté nue mais pourtant ce qui prédomine c'est l'incroyable volonté de vivre de Martin Gray.
Certes, en refermant le livre on peut se demander si tout cela est vrai et on y croit car le ton est juste; les sentiments mis à nu. C'est une telle leçon de courage et d'amour de la vie qu'on se sent imprégné d'un peu du courage de Martin Gray et que les polémiques paraissent bien vaines par rapport à la force qu'on en retire.
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