Si on sait aujourd'hui que Dachau ne fut pas le premier camp à ouvrir, il reste dans la mémoire collective le premier camp.

Le premier par la taille à son ouverture.
Le premier à passer sous l'autorité exclusive des SS et de leur chef, chef de la police bavaroise à l'époque, Heinrich Himmler.
Le premier dont Theodor Eicke élaborera les plans qui serviront de modèles à tous les autres camps à venir.
Le premier où à la brutalité bestiale des SA se substituera une brutalité et une cruauté "institutionnalisées", rationnalisées qui deviendront le modèle de tous les camps.
Le premier centre de formation des gardes SS préposés aux camps, le premier centre de formation des futurs commandants de camps à venir.

Dachau n'était pas un camp modèle mais LE modèle de camp.

Depuis l'attentat du Reichstag le 27 février 1933, le nazisme commence à montrer son vrai visage et même si le vieux maréchal Hindenburg est encore président, son nouveau chancelier a déjà pratiquement les pleins pouvoirs.
Quelle aubaine que cet incendie du Reichstag qui lui donne une raison de commencer la mise au pas de l'Allemagne ! Les SA sont lâchés sur toute l'Allemagne et se livrent à une chasse féroce aux opposants politiques, de gauche essentiellement.

A moins de 20 kilomètres de Munich, la petite ville bavaroise de Dachau se réjouit de l'arrivée prochaine du printemps, déjà oublieuse de la Première Guerre mondiale qui lui imposa l'installation d'une usine de munitions désormais désaffectée.
Si les habitants de la petite ville tranquille de Dachau n'ignorent rien de ce qui se passe hors les limites de la ville, ils vivent tranquilles dans l'anonymat de leur jolie ville médiévale que les artistes qui aiment y venir surnomment le "Barbizon bavarois", loin d'imaginer qu'un jour le nom de leur ville deviendrait célèbre et symbolique.

Le 21 mars 1933, les lecteurs du Münchner Neueste Nachrichten découvre la nouvelle en une :

Un camp de concentration pour les prisonniers politiques
Près de Dachau 

"Dans un point de presse, le chef de la police de Munich assurant l'intérim d'Himmler a dit :
"Mercredi, le premier camp de concentration sera ouvert près de Dachau. Il a une capacité de 5000 personnes. C'est là que seront rassemblés tous les fonctionnaires communistes et - autant que nécessaire - les fonctionnaires du Reichsbanner et les marxistes qui mettent en danger la sécurité de l'État, car il n'est pas possible à long terme, si l'on ne veut pas alourdir l'appareil d'État, de laisser les fonctionnaires communistes individuels dans les prisons des tribunaux, alors que d'un autre côté, il n'est pas non plus possible de laisser ces fonctionnaires retrouver la liberté. Dans les tentatives individuelles que nous avons faites, le résultat a été qu'ils continuent à s'agiter et à essayer de s'organiser. Nous avons pris cette mesure sans tenir compte de préoccupations mesquines, avec la conviction que nous agissons ainsi pour rassurer la population nationale et dans son intérêt."
"En outre, le président de la police, Himmler, a assuré que la détention préventive ne serait pas maintenue dans les cas individuels plus longtemps que nécessaire. Il a toutefois précisé qu'il était évident que le matériel, saisi en quantités inimaginables, nécessiterait un temps de tamisage plus long. La police ne serait retardée que si on lui demandait constamment quand tel ou tel prisonnier devait être libéré. L'inexactitude des rumeurs largement répandues sur le traitement des prisonniers de conscience est évidente si l'on considère que certains prisonniers de conscience qui le souhaitaient, comme le Dr Gerlich et le Baron c. Aretin, avaient obtenu sans problème le soutien de prêtres." (texte original)

A noter que déjà Himmler désigne les prisonniers par le mot "matériel"...

La mise en place du camp

Le 22 mars les premiers détenus arrivent devant les portes de ce nouveau camp, placé sous l'autorité de la police bavaroise dont le président (équivalent de notre préfet de police) n'est autre qu'Himmler. Financé par le Land de Bavière et placé sous la surveillance des SS, Dachau est encore loin du complexe dont ont connait les images et des 5 000 prisonniers annoncés

Rien n'est vraiment prêt pour les accueillir et ils sont là pour faire les travaux d'aménagement dans la dizaine de bâtiments qui recevront leurs futurs compagnons de captivité et leurs gardiens.

Ils travaillent comme des bêtes de somme sous la menaces des coups dont les SA ne sont pas avares mais leurs conditions de vie ne sont pas trop inhumaines. 
On est encore dans la phase de "rééducation par le travail" et c'est une main d'œuvre indispensable. 

Dachau à ce moment là n'est pas encore à proprement parlé un "camp de concentration" tel que le définira Himmler et malgré la brutalité des SA, les conditions sont plus proches de celles d'un camp de détention comme l'Allemagne en compte tant d'autres.

Le 30 mars, Himmler annonce l'ouverture officielle du camp de Dachau et les premiers prisonniers arrivent le lendemain. 

On ne connait pas le nombre de prisonniers pour cette période, ni le nombre de prisonniers qui seront libérés.
On estime ce nombre à un millier.
Au mois de juin ce chiffre aura largement doublé.