• Mein Kampf "historicisé"

    Mein Kampf "historicisé" Mein Kampf... Jamais un titre de livre n'a autant senti le souffre.
    Ni suscité autant de fantasmes puants.

    Depuis la fin de la guerre et la découverte de l'holocauste juif, l'ouvrage d'Hitler plonge les démocraties dans la schizophrénie : faut-il éditer ou interdire ?

    La sortie de "Historiciser le Mal" cette année aux éditions Fayard vient rallumer la polémique quant à l'opportunité de sa publication.
    Nous sommes aujourd'hui bien loin de l'époque où Fayard publiait ce même ouvrage, en 1938, avec l'accord d'Hitler, dans sa version expurgée des passages anti Français.

     

    Élève de terminale, et ne doutant de rien, je me suis lancée dans la lecture de Mein Kampf en langue originale mais j'ai rapidement renoncé : imaginez devoir avaler en même temps un cassoulet et une choucroute et bien c'est l'impression que j'ai eue à la lecture du premier chapitre. J'ai rendu le livre à son propriétaire non sans l'avoir parcouru en diagonale.

    Mein Kampf est clairement un livre de haine mais il a l'intérêt, même en le lisant en diagonale, d'éclairer le lecteur sur la personnalité de son auteur et sur ce qui risquait d'être son programme politique.
    Aussi en apprenant la sortie annotée de ce pavé chez Fayard, ai-je trouvé la démarche judicieuse car dans une société de plus en plus encline à trouver des boucs émissaires et où les haines s'expriment librement de façon virulente, il était bon de démystifier ce livre.
    Mais l'interview de Sophie de Closets et Florent Brayard dans l'émission Quotidien du 2 juin m'a laissée perplexe. Et avec beaucoup de questions.

    Fallait-il masquer le titre ?

    Un couve blanche, un titre "Historiciser le mal". Une édition critique de Mein Kampf en petit. Car le but est de "tenir à distance cette idéologie nauséabonde" (Florent Brayard). Il faut ouvrir le livre pour que le titre d'origine apparaisse.
    Si je comprends la démarche, j'y trouve une certaine tartufferie. "Cachez ce sein que je ne saurais voir".

    Une diffusion restreinte

    Inutile de chercher ce livre dans son hypermarché favori. On peut le commander chez son libraire, en ligne ou le consulter à la bibliothèque. 
    C'est une démarche pertinente car elle évite l'effet curiosité malsaine, curiosité qui risque d'être vite tempérée.

    Prix et utilisation du produit des ventes

    Ce prix tempère effectivement la velléité du petit curieux. 
    Mais au vu de l'ouvrage et de la somme de travail fourni pour le disséquer, ce prix est justifié mais complètement dissuasif pour le grand public 
    Fayard est très clair quant à l'utilisation du produit des ventes : la maison d'édition n'en tirera aucun bénéfice et les sommes seront reversées au Musée d'Auschwitz.
    Et ça, j'avoue que ça me chagrine.
    Que les choses soient claires : ce n'est pas  le fait que ces sommes soient reversées au Musée d'Auschwitz qui me dérange, c'est le fait  que seul le Musée d'Auschwitz en bénéficie qui me dérange.
    Mein Kampf n'est pas qu'un livre antisémite, c'est aussi un livre où s'exprime la haine des Français, des Slaves, des Tsiganes et les lieux de pèlerinage ne se limitent pas au seul camp de Birkenau.
    Pourquoi, par exemple, ne pas financer les archéologues qui travaillent sur des lieux d'extermination tels que Sobibor, qui depuis plusieurs années de travail permettent de connaître un peu mieux ce camp et qui patiemment ressortent du sol un peu de l'âme des martyrs (poupées d'enfants, tasses Mickey d'un enfant qui riait quelques jours avant, barrettes) ? Ou encore éviter le projet de la ville de Dachau de céder une partie des terrains du camp pour un projet immobilier ? Ce ne sont pas les pistes qui manquent !

    Quel public ?

    Cette version s'adresse à un public de chercheurs, d'historiens ou d'enseignants. C'est donc un ouvrage élitiste. J'entends par là que la cible est un public intellectuellement équipé pour en faire une lecture critique et distanciée.

    Pour les "clampins" de base dont je suis, reste les versions en ligne ou les versions entre 20 et 30 € dans toutes les bonnes librairies d'extrême droite.
    Je trouve donc fort dommage que les éditions Fayard n'aient pas [voulu] penser à ce public qui se le procure aisément (environ 5 000 exemplaires/an en France) et en aborde la lecture sans garde-fou hors des avis légaux. Un public souvent ignorant de l'histoire du XXème siècle, qui baignent dans le marigot des réseaux sociaux où se déchaînent les haines même chez ceux qui n'ont jamais lu cet ouvrage. 
    C'est ce public qui aurait le plus besoin d'être éclairé dans sa lecture.

    Mein Kampf

    Alors, "Historiciser le Mal" vaut-il tout ce battage ?

    Car même si la maison Fayard se défend de toute promotion, cela fait depuis 2015 que l'idée est lancée et que les gazettes en parlent et qu'actuellement Sophie de Closets est présente dans tous les media. 

    Quant à vouloir faire croire que seul Hitler incarne le Mal, c'est oublier rapidement que seul dans son coin il en serait à ressasser ses élucubrations face à quelques poivrots de la Brügerbräukeller. Hitler n'a pu exister que parce que le Mal est en chacun de nous mais si certains le combattent, ceux qui hissèrent le caporal autrichien au pouvoir venaient de trouver celui qui leur donneraient l'impulsion de lui lâcher la bride dans un monde en crise.

    Allez... dans moins de trente secondes on va me traiter de conspirationnisto-complotiste (à moins que ce ne soit l'inverse ?) mais actuellement se vendent des ouvrages salués par les media et tout aussi dangereux quant à leur impact sur notre société. Je parle de la littérature d'un certain Zemmour et d'un certain Buisson qui, en dépit des condamnations méritées pour leurs propos racistes et ségrégationnistes, entretiennent les braises de la haine dans tous les media qui leur offrent une tribune complaisante, contre quelques parts de marché. Mais il est vrai qu'ils ont remplacé "juif" par "arabe", "judaïsme" par "islam" et "juiverie internationale" par "grand remplacement". Que ce serait-il passé si leurs attaques avaient été dirigées vers la communauté juive ?

    Espérons qu'un jour des sages et humanistes prennent leurs brûlots avec les mêmes pincettes.

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  • Commentaires

    1
    Mardi 8 Juin 2021 à 19:11

    Hello Foxy,

    J'adore ta métaphore! "imaginez devoir avaler en même temps un cassoulet et une choucroute et bien c'est l'impression que j'ai eue à la lecture du premier chapitre".
    J'ai essayé de le lire aussi, mais je n'ai pas réussi à le finir. Je ressentais à travers la lecture que du mépris et de la haine, et j'ai eu marre de perdre mon temps avec ce déchet.
    La liberté de choisir, c'est tout de même fondamental! Je n'ai jamais été pour la censure de livres. C'est d'ailleurs le moustachu qui faisait ça! La censure et il ordonnait à ses abrutis de brûler des livres en public! Selon moi, il faut éduquer et pas censurer!
    Bonne soirée Foxy!

      • Mercredi 9 Juin 2021 à 03:15

        Je vas te surprendre mais du fait même de sa "qualité" d'écriture et cette impression d'agression en atténue l'impact (pour les gens sensés) contrairement aux auteurs que je cite à la fin.

        Je te rejoins totalement et, de plus, son interdiction lui donnerait une aura de "livre martyre" que et ça, ce serait dangereux !

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